Le Parc des BUTTES CHAUMONT est situé dans le 19ème arrondissement.
Si, comme le dit l’adage, c’est sur le fumier que poussent les plus belles fleurs, la naissance du Parc des Buttes-Chaumont relève un peu de cet esprit.
Il y a 150 ans, en 1867, c’est en effet à l’emplacement d’un véritable cloaque, que Napoléon III inaugura cet espace vert et vallonné, mais aussi totalement artificiel…
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Paris vu en 1620 depuis la Butte Chaumont ou Saint-Chaumont. Au second plan on distingue l’hôpital Saint-Louis. Avant 1860, les Buttes Chaumont sont en dehors de Paris, entre les communes de Belleville et de La Villette. Elles ont comme voisinage, le sinistre Gibet de Montfaucon (que l’on situera grosso modo à 100m de l’actuelle place du Colonel-Fabien), immortalisé par François Villon dans sa ” Ballade des pendus “.
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Les Plâtrières dites “Carrières d’Amérique” 1852 – Photo Henri Le Secq
Enfin, à partir du XVIIe siècle, le sous-sol des Buttes Chaumont est creusé de galeries, d’où sont extraits le gypse et les pierres meulières, qui serviront à la construction des immeubles parisiens.
Ce gypse donne, après avoir été chauffé à 120°, un plâtre de très bonne qualité, que l’on exporte jusque dans le Nouveau Monde. C’est pourquoi, dit-on, ces carrières furent nommés carrières d’Amérique, ou même du Mississipi. Et le nom de certaines rues alentour, rappelle encore l’activité de ces fours à plâtre, comme la rue des Chaufourniers, ou le passage des Fours-à-Chaux.
Vers 1850, l’activité périclite, car l’extraction ne donne plus grand-chose dans les trois carrières qui fonctionnent encore. Elles semblent avoir été abandonnées autour de 1860, alors qu’elles servaient principalement de décharge. Ces lieux n’attirant pas les enfants de chœur, on croisait ici tous ceux qui trouvaient refuge, à l’abri de la maréchaussée. De là à dire que ces leiux étaient mal famées…
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A l’endroit de l’actuel Parc des Buttes-Chaumont, pour que l’endroit soit réellement poétique, la voirie de Montfaucon est aménagée sous le règne de Louis XI, et des bassins énormes, destinée à recevoir le contenu des fosses d’aisance de Paris sont créés, pour transformer ce produit naturel de l’activité humaine en engrais agricole, la « poudrette de Montfaucon ».
Certaines parties de ces carrières recèle d’autres richesses moins connues, comme la culture du champignon de couche, ou de la “barbe de capucin”, sorte d’endive sauvage amère, qu’on cultivait encore en 1840.
Cet espace désolé et battu par les vents est il aussi séduisant qu’on le dit ? Qu’à cela ne tienne, on installe ici des clos d’équarrissage, permettant de « traiter » plus de 15000 chevaux par an, sans compter les chiens et les chats. On y fait sécher du sang de bœuf pour produire du « bleu de Prusse », on y élève des asticots pour la pêche, et bien d’autres activités réjouissantes encore, comme la chasse aux milliers de rats qui pullulent ici, et dont la peau a encore un peu de valeur.
La grande épidémie de choléra en 1832, permit une prise de conscience des pouvoirs publics, et les vidangeurs de Paris furent désormais priés de conduire leurs produits jusque dans la forêt de Bondy. Accessoirement, on construisit également des égouts…
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Plan Delagrive 1740
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En 1860, c’est l’année au cours de laquelle, les communes limitrophes de Paris sont annexées. C’est le cas de Belleville et de La Villette, notamment.
Les vastes terrains des Buttes-Chaumont attirent alors les convoitises. Car sous couvert de donner des espaces verts aux populations du 19e et du 20e arrondissement, qui en manquaient totalement, c’est une opération immobilière qui est imaginée.
En 1862, la Ville de Paris s’adresse à la Société Civile des Carrières du Centre afin d’acquérir les terrains nécessaires. Un rapport préliminaire (Darcel) de 1863 envisage un quartier « de luxe » à cet endroit, entourant et dominant un parc urbain.
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Pour attirer de riches propriétaires, il faut créer le parc. Napoléon III et le Baron Haussmann chargent le paysagiste Alphand de s’en occuper, secondé dans sa tâche par Davioud, Barillet-Deschamps et Belgrand. Les travaux entrepris dès 1864, dureront trois ans.
Ils prirent une telle ampleur qu’il fallut installer une voie ferrée, deux machines à vapeur, et pas moins de 450 wagonnets pour mener à bien les déblais et les remblais destinés à assainir les lieux et à les transformer.
Cette prouesse nécessita l’aide de 1.000 ouvriers et d’une centaine de chevaux. On utilisa de la dynamite pour faire sauter la roche, 200.000 m3 de terre végétale et 800.000 m3 de terrassement furent utilisés.
Au centre du parc, on creusa un lac de 2 hectare, au milieu duquel se dressa un piton rocheux haut de cinquante mètres. Pour alimenter le lac, 2 ruisseaux furent « créés », alimentés par le pompage du canal de l’Ourcq. Au milieu de ce lac, une île rocheuse fut conçue, dotée d’une falaise d’environ 30 mètres de hauteur.

Par le même procédé que pour le lac, une cascade fut installée dans une vaste grotte de 20 mètres de haut, garnie de faux stalactites en ciment, dont certaines font plus de 8 mètres.
L’accès à cette à cette île s’effectue par deux ponts : l’un en maçonnerie d’une hauteur de 22 mètres pour une portée de 12 mètres, qui sera surnommé plus tard le ” Pont des suicidés “, et par une passerelle suspendue.

Une fois terminé le gros-œuvre, le jardinier Barillet-Deschamps fait tracer sur les reliefs du parc, un réseau complexe d’allées bordées d’arbres variés.

« Il n’est plus besoin d’aller à Etretat voir des falaises », s’exclame un journaliste, quelques jours après son inauguration.

En 1869, Davioud lui ajoute un édifice supplémentaire à son sommet : le temple de la Sybille. Cette rotonde de pierre est une réplique d’un temple gréco-romain situé à Tivoli, en Italie.

On avait entreposé dans le lac que l’on avait asséché, des milliers de tonneaux de pétrole et d’essence, qui provenaient des dépôts de la Villette. On avait décidé de les enterrer ici pour les soustraire à l’éventuel pillage des envahisseurs, ou leur éviter les bombardements ennemis.
Le 27 septembre 1870, une forte explosion retentit, et un incendie gigantesque enflamma le lac.
On pourrait bien sûr imaginer qu’un monstre sorti des entrailles des carrières, et crachant des flammes, ait pu le provoquer, pour se venger des travaux. Après bien des recherches, il s’est avéré que la vérité était toute autre. Le responsable de l’accident avait pour nom Adolphe Henriot, habitant de Belleville, et occasionnellement chargé de l’enfouissement des tonneaux. Le brave Adolphe, ayant décidé de s’octroyer une pause bien méritée, bourra sa pipe et gratta une allumette. Ce faisant, il enflamma les vapeurs de pétrole en suspension, et provoqua l’explosion. C’est sa pipe non consumée qui mit les enquêteurs sur sa piste, lesquels le retrouvèrent au lit, le postérieur et les mains brulés.
C’est aussi dans le parc des Buttes Chaumont, que furent fusillés 300 ou 800 Communards, selon les sources, en mai 1871.


La paix et le calme revenus, une fois passé l’attrait de la nouveauté, le parc des Buttes-Chaumont fut délaissé par la population bourgeoise, effrayée de la proximité des baraques et des usines de la Villette, ainsi que par une population qui était prompte à se révolter et à prendre les armes.





Le parc, dès les années 1880, avait vu ses pelouses ornées d’œuvres sculpturales.
On y trouvait « Le Gué » (1884) par Camille Lefèvre ; « L’Ecumeur de mer » ( ou « Pilleur de mer » ) (1883) de Pierre Ogé ; « Au loup ! » (1885) de Louis Auguste Hiolin ; « Le Chasseur d’aigles » (1883) de Edmond Desca ; « Le Dénicheur d’Aigles » (1903) de L. Gossin ; « Sauvetage » (1884) de F. L. Roland, et « L’Egalitaire » (1891) de F. Captier.
Ces œuvres furent rejointes en 1906 par la statue de Marat (réalisée par Jean Baffier en 1885), auparavant érigée dans le parc Montsouris ; puis en 1930, par le buste de Clovis Hugues (1908).
Toutes ont été fondues au profit de l’Occupant, en 1942. Le buste de Clovis Hugues a été remplacé par une copie en 1957.


Bien qu’on l’ait surnommé le “pont des suicidés”, il servait à plein de réjouissances. A ma connaissance, on n’y a pas encore testé le saut à l’élastique…

Avant d’être desservi par le métro en 1911, deux lignes de tramway y conduisaient. Sans oublier la ligne de Petite Ceinture, traversant déjà le parc, et existant même avant sa création.
La gare “Belleville-Villette”, toutefois, était plutôt destinée aux marchandises, et la gare « Ménilmontant » assez éloignée du parc. On projeta une station souterraine rue de Belleville, dont l’idée fut abandonnée devant la difficulté à ventiler une gare desservie par des locomotives à vapeur.


On compte encore aujourd’hui trois restaurants dans le parc.
Le restaurant le “Pavillon du Lac” ouvert en 1868.
Il y a aussi le ” Pavillon Puebla ” .




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L’évolution du parc ne fut pas un long fleuve tranquille. Dès 1867 les ennuis commencèrent, avec des effondrements réguliers des galeries sous le lac, ainsi que sous les pelouses. En 1869, l’alimentation de la cascade se rompt, avant que la grotte ne s’éboule en 1890. Le pont donnant accès à la rue Fessart doit être détruit et reconstruit, car l’argile sur lequel il est construit, est instable…
(avec la présence de la tour de relais hertzien du studio de radiodiffusion des Buttes Chaumont)

Il fut même un temps menacé, avant que de gros travaux de rénovation ne soient entrepris ces dernières années, coïncidant avec un nouvel attrait pour ce poumon de l’est parisien, notamment pour son calme, et pour les restaurants du parc.


Il y a 150 ans, en 1867, c’est en effet à l’emplacement d’un véritable cloaque, que Napoléon III inaugura cet espace vert et vallonné, mais aussi totalement artificiel mais qui continue d’être un lieu de promenades pour les familles.
